Réflexion Didactique sur la prononciation en FLE: de l’analyse des erreurs à l’innovation pédagogique
Автор: Khelef H.
Журнал: Science, Education and Innovations in the Context of Modern Problems @imcra
Статья в выпуске: 4 vol.8, 2025 года.
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L’acquisition de la prononciation représente un obstacle majeur pour les apprenants de français langue étrangère (FLE) lié à la coexistence de deux systèmes phonétiques différents. Ce travail vise à examiner leurs difficultés de prononciation et d’en identifier les causes. Pour ce faire, une étude descriptive et analytique a été menée à partir des enregistrements oraux de quinze étudiants inscrits en 1ère année de licence au département du français à l’université d’El-Oued. Les résultats indiquent que la principale cause des difficultés provient de l’inexistence de certains phonèmes en arabe, la langue maternelle des apprenants, provoquant ainsi des interférences. S’ajoutent à cela la complexité inhérente au système phonétique du français et une faible compétence phonétique des étudiants, en partie causée par la place marginale accordée à la prononciation dans les programmes scolaires algériens à tous les niveaux. Pour remédier à ces difficultés, des stratégies pédagogiques innovantes ont été proposées. La prononciation revêt une importance particulière dans l’acquisition et l’apprentissage des langues étrangères, en l’occurrence la langue française. Sa maitrise demeure essentielle pour avoir une bonne communication dont l’objectif est de se faire comprendre et comprendre son interlocuteur. De ce fait, une prononciation et une audition de qualité permettent d’éviter toute ambiguïté dans la réception du message.
Prononciation, Difficultés, Interférence, FLE, Langue maternelle
Короткий адрес: https://sciup.org/16010575
IDR: 16010575 | DOI: 10.56334/sei/8.4.15
Текст научной статьи Réflexion Didactique sur la prononciation en FLE: de l’analyse des erreurs à l’innovation pédagogique
A cet égard, une bonne prononciation nécessite la maitrise d’un système phonétique et phonologique qui englobe les dimensions perceptives et productives de la compétence linguistique (Detey et al. 2016). L’acquisition de ces aspects développe la confiance en soi de l’apprenant, stimule sa motivation et renforce son attention auditive. Cela a un impact majeur sur l’acquisition des autres compétences linguistiques.
Cependant, l’enseignement de la prononciation est souvent perçu comme complexe et peu rentable, surtout dans un contexte exolingue. La présence de deux systèmes phonétiques différents présente souvent des défis majeurs pour les apprenants du français langue étrangère. En effet, plusieurs études de recherche menées auprès d’apprenants de français en Algérie ont révélé que ces derniers rencontrent de différentes difficultés dans l’acquisition de la compétence phonétique. (Aisset, 2023 ; Gharbi et Boudjir, 2023 ; Benazzouz et Zerari, 2021 ; Kheloui, 2015). C’est dans cette perspective que s’inscrit notre contribution.
En tant qu’enseignante travaillant au sein du département de français à l’université d’El-Oued, nous avons constaté ces entraves chez les étudiants, ce qui nous a incitée à entreprendre une réflexion approfondie sur des stratégies didactiques susceptibles d’améliorer l’apprentissage de la prononciation dans ce contexte spécifique.
Les problèmes de la prononciation constituent donc la question centrale de notre étude qui vise à identifier leurs principales manifestations et à en cerner les causes. Nous nous interrogeons dans cet article sur l’influence du système phonétique de la langue maternelle ainsi que sur les défis auxquels se heurte l’enseignement de la prononciation en Algérie. L’objectif principal de ce travail est de décrire et d’analyser les différentes erreurs de prononciation commises par les étudiants, tout en proposant des stratégies d’intervention pédagogique adaptées. Pour atteindre cet objectif, une approche descriptive et analytique a été adoptée. Dans un premier temps, nous analysons l’importance attribuée à la prononciation dans les différentes méthodes d’enseignement ; ensuite, nous étudierons son statut au sein des programmes scolaires algériens. Pour répondre à notre problématique, une analyse des erreurs sera réalisée, suivie d’une interprétation des résultats. Enfin, des perspectives pédagogiques innovantes seront proposées.
-
1.I mportance de la prononciation en didactique des langues : approches théoriques et implications pédagogiques
Dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage des langues, la prononciation constitue un fondement constitutif de toute compétence orale, tant en production qu’en réception. Elle représente à la fois une condition préalable et un résultat d’une communication verbale efficace.
En effet, la prononciation repose sur un ensemble complexe de mécanismes qui impliquent l’articulation, l’audition, et la perception (Cuq, 2003). Une maitrise adéquate de la prononciation implique la capacité à produire et à identifier correctement les sons et les faits prosodiques spécifiques à une langue, afin de garantir une communication claire et compréhensible, qu’elle s’adresse à des locuteurs natifs ou non natifs.
Selon Detey et al. (2016), l’acquisition d’une prononciation repose sur la maitrise d’un système phonético-phonologique, englobant à la fois les aspects segmentaux, tels que les voyelles et les consonnes, et les aspects suprasegmentaux comme l’intonation et l’accentuation. Ce système sous-tend l’apprentissage morpholexical (les paires minimales, les alternances morphophonologiques) et discursif, notamment à travers les phonèmes prosodiques. En mobilisant ces éléments, une bonne prononciation facilite la compréhension, simplifie les interactions, org contribue à renforcer la mémoire auditive et à améliorer la mémorisation et favorise ainsi l’acquisition d’une bonne compétence orthographique. Par ailleurs, comme le souligne Dufeu (2008), une prononciation maitrisée renforce la confiance en soi des apprenants, stimule leur motivation et développe leur attention auditive.
Historiquement, l’importance accordée à la prononciation dans la didactique des langues a varié en fonction des approches pédagogiques dominantes. Longtemps négligée par la méthode grammaire-traduction, qui privilégiait les compétences écrites, elle devient centrale dans la méthode directe, qui favorise l’imitation des modèles oraux à travers une écoute approfondie pour développer les compétences communicatives dans une langue étrangère.
Par la suite, la méthode audio-orale a consolidé cette focalisation sur l’oral en privilégiant l’aspect mécanique et répétitive, mais très efficace pour l’apprentissage de la prononciation. (Gül, 2014).
Cette perspective était enrichie par l’approche structuro-globale audio-visuelle (SGAV) qui a remis en valeur les aspects prosodiques et suprasegmentaux de la langue et qui a établi la prononciation en discipline autonome, distincte de la phonétique.
Cependant, l’avènement de l’approche communicative dans les années 80 a marqué un recul de l’enseignement explicite de la prononciation, souvent réduite à des exercices de répétition décontextualisés et intégrés à des activités plus globales de production et de compréhension orales. Plus récemment, le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL), basé sur une approche actionnelle, revalorisait l’acquisition des compétences phonétiques, même si de manière limitée. Quatre dimensions clés sont explicitement mentionnées pour le CECRL : l’articulation, la prosodie, l’accentuation et l’intelligibilité, chacune contribue à la qualité de la communication orale.
Bien que les pédagogues portent un grand intérêt à la prononciation, sa mise en pratique reste complexe, et des défis subsistent quant à son enseignement, notamment pour les langues qui ont un système orthographique différent du système phonologique, telles que le français.
2 .L’enseignement de la prononciation en Algérie, quel statut ?
Malgré son rôle fondamental dans l’acquisition d’une langue étrangère, la prononciation demeure marginalisée au sein des programmes éducatifs algériens. Elle est sous-valorisée dans tous les niveaux d’enseignement, au détriment d’autres compétences linguistiques jugées prioritaires (Kheloui, 2015). Son apprentissage est initié exclusivement au niveau primaire, souvent intégré aux activités de lecture et d’écriture, et non enseigné de manière autonome. Il est limité en temps de 15 à 30 minutes par séquence et centré sur la correspondance phonie/graphie et l’articulation des sons (programme pratique des horaires, 2023 :23-24). Dans les cycles moyen et secondaire, la phonétique est entièrement absente dans les programmes officiels (plan annuel des apprentissage, 2018). L’apprentissage de la langue se réalise par des projets. Chaque projet est structuré en plusieurs séquences, chacune regroupe des activités de compréhension et de production à l’oral et à l’écrit, en alternance avec d’autres activités lexicales et grammaticales sans toutefois inclure un enseignement spécifique de la phonétique ou de la prononciation. Dans ce contexte, Benazouz et Zerari affirment que :
« L’enseignement de la prononciation en classe de FLE, dans notre contexte algérien est une parente pauvre par rapport à l’acquisition d’autres compétences linguistiques du moment où le fait phonique n’est point enseigné en tant qu’une compétence à acquérir, il est considéré comme une matière secondaire où le mot phonétique ne figure guère dans le programme de l’enseignement général du français en Algérie. » (2021: 596)
Cette situation rend l’enseignement de la prononciation négligée et peu valorisée par l’institution enseignante. Dans son étude menée auprès des enseignants algériens de tous les cycles scolaires, Aissat Hassiba (2023) relève une priorité accordée à l’enseignement de l’écrit au détriment de l’oral. Les enseignants jugent la prononciation rébarbative et sans utilité dans le processus d’acquisition d’une langue étrangère. Aisset confirme qu’ils: «n'enseignent jamais la prononciation, certains enseignants se contentent de corriger leurs apprenants lorsqu'ils prononcent mal, les autres affirment que la prononciation n'a pas d'importance, le plus important est la participation même si les apprenants s'expriment dans leurs langues d'origine. Ils justifient leur tolérance vis-à-vis de la prononciation par le fait qu’ils arrivent à comprendre les messages de leurs apprenants et vice versa»(2023 : 328)
En conclusion, l’enseignement de la prononciation dans une classe du FLE en Algérie est dévalorisé, soit par la tutelle ou par les enseignants. Cette négligence cause chez les apprenants une faiblesse de communication qui nécessite une révision urgente des programmes scolaires et une remise en question des pratiques pédagogiques actuelles des enseignants.
3 .Méthodologie
Afin d’atteindre notre objectif de recherche, qui est l’identification de différentes difficultés de prononciation, nous avons collecté les enregistrements audios de quinze étudiants, treize filles et deux garçons, inscrits en 1ère année licence au département du français à l’université d’El-Oued pendant le mois de mai 2024. L’enregistrement a été effectué lors d’une séance de l’oral à l’aide d’un smartphone ; les étudiants étaient invités à lire le texte choisis par l’enseignante d’une manière spontanée dans des conditions favorables. Compte tenu du caractère exploratoire de notre recherche, nous avons adopté une approche qualitative pour analyser et décrire les erreurs de prononciation relevées chez nos étudiants.
Une démarche descriptive et analytique était choisie pour l’explication des sources de difficultés.
4 .Résultats et analyse
Après avoir analysé les enregistrements oraux des apprenants, nous avons identifié les erreurs suivantes : a. Substitutions vocaliques
Substitutions entre voyelles orales
Substitution |
Mot |
Transcription |
|
Correcte |
Erronée |
||
[ ɛ ] → [e] |
Expression |
[ ɛ ksp ʁɛ sj ɔ̃ ] |
[ eksp ʁɛ sj ɔ ] |
[y] → [i] |
Situation |
[ sityasj ɔ ] |
[ sitiasj ɔ ] |
[ ɛ ] → [a] |
Maitrise |
[ m ɛ t ʁ iz ] |
[ mat ʁ iz ] |
[œ] → [y] |
Epreuve |
[ ep ʁ œv ] |
[ ep ʁ yv ] |
[œ] → [ ɛ ] |
Discoureur |
[ disku ʁ œ ʁ ] |
[ disku ʁɛʁ ] |
[œ] → [u] |
Discoureur |
[ disku ʁ œ ʁ ] |
[ disku ʁ u ʁ ] |
[œ] → [ ɔ ] |
Leur |
[ lœ ʁ ] |
[ l ɔʁ ] |
[ø] → [u] |
Ceux |
[ sø ] |
[ su ] |
[ ɛ ] → [i] |
Destiné |
[ d ɛ stine ] |
[ distine ] |
[ ɔ ] → [u] |
Améliorer |
[ amelj ɔʁ e ] |
[ amelju ʁ e ] |
[e] → [i] |
Ecrire |
[ ek ʁ i ʁ ] |
[ ik ʁ i ʁ ] |
[ ə ] → [e] |
De |
[ d ə ] |
[ de ] |
[ ə ] → [ø] |
Ouvrage |
[ uv ʁ a ʒ ] |
[ uv ʁ a ʒ ø ] |
[ ə ] → [e] |
Apte |
[ apt ] |
[ apte ] |
Substitution des voyelles nasales par des voyelles orales et vice versa
Substitution |
Mot |
Transcription |
|
Correcte |
Erronée |
||
[ ɔ̃ ] → [o] |
Expression |
[ ɛ ksp ʁɛ sj ɔ̃ ] |
[ ɛ ksp ʁɛ sjo ] |
[ ə ] → [ ɑ̃ ] |
Nécessitent |
[ nesesit ] |
[ nesesit ɑ ] |
[ ə ] → [ ɔ̃ ] |
Souhaitent |
[ sw ɛ t ] |
[ sw ɛ t ɔ̃ ] |
[ ɑ̃ ] → [ a] |
Prétention |
[ p ʁ et ɑ̃ sj ɔ̃ ] |
[ p ʁ et ɑ sj ɔ̃ ] |
Substitution entre voyelles nasales
Substitution |
Mot |
Transcription |
|
Correcte |
Erronée |
||
[ ɑ̃ ] → [ ɔ̃ ] |
Grandement Prétention |
[ ɡʁɑ̃ dm ɑ̃ ] [ p ʁ et ɑ̃ sj ɔ̃ ] |
[ ɡʁɑ̃ dem ɔ̃ ] [ p ʁ et ɔ̃ sj ɔ̃ ] |
[ ɑ̃ ] → [ ɛ̃ ] |
Grandement |
[ ɡʁɑ̃ dm ɑ̃ ] |
[ ɡʁɛ̃ dm ɔ̃ ] |
Dénasalisation
Son omis/inséré |
Mot |
Transcription |
|
Correcte |
Erronée |
||
[e] |
Expression |
[ ɛ ksp ʁɛ sj ɔ̃ ] |
[ ekesp ʁ esj ɔ ] |
[k] |
Succès |
[ syks ɛ ] |
[sus ɛ ] |
[ ɥ ] |
Bredouiller |
[ b ʁə duje ] |
[ b ʁə du ɥ ije ] |
[i] |
Bredouiller |
[ b ʁə duje ] |
[ b ʁə du ɥ ije ] |
En observant les tableaux ci-dessus, nous remarquons que la plupart des prononciations défectueuses touchent surtout les voyelles. La cause principale de ces erreurs vient de l’interférence entre les deux systèmes vocaliques français et arabe. En effet, le français est une langue à vocalisme riche, composé de seize voyelles, dont quatre sont nasales tandis que l’arabe ne distingue que trois voyelles : [i] la plus fermée à l’avant, [a] la plus ouverte et [u] la plus fermée à l’arrière. Cela explique la difficulté de nos apprenants à prononcer et à distinguer certaines voyelles en français. Nous remarquons ainsi que les étudiants ont tendance à remplacer les sons français par les sons les plus proches disponibles en arabe. Cela figure dans les erreurs mentionnées ci-dessus, où le [i] par exemple remplace les sons [ ɛ ], [e] et [y] dans les mots destinés , écrire et situation . Il en est de même pour le [a] qui remplace la voyelle [ ɛ ] dans le mot maitrise et le [u] qui substitue les sons [œ], [ ɔ ]et [ø] dans les mots discoureur , ceux et améliorer . Ces résultats confirment les propos de Al Ahmed qui suggère que : « distinguer entre [o] et [ ə ], entre [u] et [y], entre [e] et [ ɛ ], etc., est très difficile pour un apprenant arabe surtout au début de son apprentissage car les voyelles mi-ouvertes ou mi-fermées n'existent pas en arabe. De ce fait, elles sont souvent remplacées par la plus fermée ou la plus ouverte. » (2014 :49)
L’analyse des erreurs commises par les apprenants indique également que ces derniers rencontrent des difficultés avec les voyelles nasales. En effet, le système vocalique de la langue arabe ne contient que des voyelles orales ; c’est une des raisons pour lesquelles les étudiants ne maitrisent pas la prononciation des voyelles nasales. Le son [ ɑ ] par exemple est assimilé aux nasales [ ɔ ] et [ ɛ ] dans les mots grandement et prétention et remplacé par la voyelle orale [a] dans le mot prétention . Le même cas est observé dans les mots contenant la nasale [ ɔ ] dans la dernière syllabe comme expression , prestation et situation. Les étudiants ont tendance à substituer ce phonème par la voyelle orale [o]. La dénasalisation est également présente dans les erreurs commises par les étudiants. Dans les mots indispensables et grandement , les nasales [ ɛ ] et [ ɑ ] sont remplacées par les phonèmes [in] et [an].
L’interférence entre les phonèmes de la langue maternelle et ceux de la langue étrangère influence aussi l’articulation de certaines consonnes. Les apprenants ont tendance, par exemple, à confondre le son [b] avec le [p] qui n’existe pas en arabe. Nous trouvons ainsi des articulations défectueuses telles que [ byblik ], [ bar ɔ l ] et [ burkwa ]. De même, la fricative labiodentale [v] est prononcé [f] dans le mot ouvrage .
L’un des phonèmes qui pose de grands problèmes pour les apprenants est le [ ə ] muet. Ce dernier distingue la langue française des autres langues, y compris la langue arabe, d’où provient la difficulté de nos étudiants à l’identifier et à l’articuler. L’analyse du corpus nous a montré que le [ ə ] muet dans les mots monosyllabiques comme je , de , ne est prononcé, le plus souvent, comme [e] oral. Dans d’autres mots comme ouvrage , scolaire , base , le [ ə ] est assimilé à un [ø] mi-fermé.
Une autre catégorie d’erreurs figure dans le tableau ci-dessus et concerne la confusion graphie-phonie. En français, la prononciation des mots se distingue considérablement de leur forme écrite (Çavdar, 2024). En fait, un seul son peut avoir plusieurs représentations orthographiques et une même orthographe peut posséder des prononciations différentes. Cheddad attribue ce type de difficultés aux processus cognitif des apprenants, il voit que « leurs mémoires lexicales n’arrivent pas à reconnaître le son/mot. Ils ne peuventpas procéder à un transcodage correct graphèmes/phonèmes à cause de la perception visuelle « fixation » et auditive « discrimination » incorrectes . » (2011 :147). L’écart entre l’oral et l’écrit en français conduit les apprenants à commettre des erreurs. L’analyse des défectuosités de prononciation dans notre corpus, montre que les étudiants ont tendance à articuler les mots tels qu’ils sont écrits. Par exemple, la terminaison des verbes du premier groupe conjugués au présent de l’indicatif tels que souhaitent , craignent , nécessitent est articulée comme un [ ɑ ] au lieu de [ ə ], de même que la consonne [z] dans le mot maitrise qui est prononcé [s] et la semi-consonne [j] articulée [l] dans le mot périlleux.
D’autres changements de structures phonémiques de mots sont présents dans les productions orales des apprenants, nous trouvons ainsi des ajouts des sons comme le [e] dans le mot expression [ ekespʁesjɔ ] et le [ɥ] dans le verbe bredouiller [ bʁəduɥije ] ainsi que des omissions tels que la suppression de la consonne [k] dans le mot succès [ syse ].
5 .Discussion des résultats
L'analyse des erreurs de prononciation identifiées dans notre étude met en évidence l'influence de la langue maternelle sur la production orale en français des apprenants arabophones. Les substitutions vocaliques, la dénasalisation et les erreurs consonantiques observées corroborent les conclusions de recherches précédentes (Aisset, 2023 ; Gharbi et Boudjir, 2023 ; Kheloui, 2015 ; Al Ahmed, 2014 ; Cheddad, 2011). La difficulté à distinguer et à produire certaines voyelles françaises, en particulier les voyelles nasales et mi-ouvertes, constitue un problème récurrent chez les locuteurs dont la langue maternelle possède un système vocalique plus restreint.
Les erreurs consonantiques, notamment la confusion entre [p] et [b] ou entre [v] et [f], s'expliquent par l'absence de certaines distinctions phonologiques en arabe. De même, la difficulté à articuler les semi-consonnes et à respecter les règles de liaison et d'enchaînement témoigne d'un manque de sensibilisation à ces aspects dans l'enseignement de la prononciation.
En outre, la tendance à prononcer les mots tels qu'ils sont écrits met en évidence une confusion entre graphie et phonie, ce qui entrave l'acquisition d'une prononciation correcte. D’après Cheddad (2011), ce type d’erreur résulte du processus cognitif de l’apprenant. Sa mémoire lexicale ne parvient pas reconnaître le son/mot, ce qui l’empêche d’effectuer un transcodage correct graphèmes/phonèmes, en raison d’une perception visuelle « fixation » et auditive « discrimination » déficiente.
Ces difficultés, comme mentionnées précédemment, sont amplifiés par une exposition insuffisante à l'oral et par un enseignement principalement centré sur l’écrit. (Aisset, 2023).
Pour remédier à ces lacunes au niveau de la prononciation, il faut valoriser l’enseignement de org l’oral et de la phonétique en diversifiant les méthodes d’enseignement et en adoptant des activités et des approches innovantes qui peuvent susciter la motivation et l’interaction chez les apprenants.
6 .Conclusion
L’objectif général de cette étude était d'analyser les erreurs de prononciation des étudiants de première année licence au département du français, de décrire et d’en expliquer la nature, et les causes possibles en projetant la lumière sur le statut de l’enseignement de la phonétique dans les établissements scolaires algériens.
Les difficultés identifiées dans les enregistrements oraux des étudiants relèvent principalement de l'influence de la langue maternelle, de l'absence d'un apprentissage systématique de la phonétique et du manque de la pratique de l'oral.
Afin d’améliorer l’habilité phonétique chez les apprenants, plusieurs stratégies peuvent être envisagées :
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- Enrichir 1’enseignement de la phonёtique : la première étape consiste à renforcer l’enseignement explicite de la phonétique corrective dans les programmes scolaires. Cela implique l’intégration de méthodes de correction phonétique telles que la méthode articulatoire, la méthode d’oppositions phonologiques et la méthode verbo-tonale (Réda, 2022). L’intégration systématique des activités ciblant la correction des difficultés liées aux voyelles orales et nasales ou aux distinctions consonantiques, permettent de remédier aux lacunes et de perfectionner la production des phonèmes.
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- Privilёgier 1’enseignement de 1’oral, notamment au début de l’apprentissage en utilisant des ressources sonores tels que la chanson, les films ou les émissions diffusées soit à la radio ou à la télévision ainsi que les documents authentiques oraux.
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- Adopter des approches pёdagogiques innovantes : l’introduction des méthodes pédagogiques novatrices telles que la méthode de
silent way , qui associent les gestes et les mimiques aux sons ou la suggestopédie , basée sur une écoute relaxante (Wachs, 2021 ; Haddadi, 2021), ainsi que le recours à la dramaturgie et au théâtre, (Benazouz et Zerari, 2021), favorise une acquisition efficace d’une prononciation correcte dans un environnement motivant. Ces pratiques encouragent également le développement de l’auto conscience chez les apprenants, en leur permettant de prendre confiance en leurs capacités expressives et de s’impliquer activement dans leur processus d’apprentissage.
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- Exploiter les diffёrentes ressources numёriques : les sites internet comme Podcast Français Facile , Fonetix , Flenet , Le Point du FLE , Au son du FLE et Easy Pronunciation constituent une alternative efficace pour l’apprentissage de la phonétique. Ils offrent une multitude de ressources et des exercices gratuits pour maitriser les sons et pour travailler le rythme et l’intonation.
En complément de ces sites, des plateformes numériques favorisant l’apprentissage de la phonétique proposent des outils interactifs, des cours et des exercices de prononciation avec reconnaissance vocale avec des ressources audio-visuelles. Nous citons ainsi Duolingo, Busuu, Rosetta Stone et Babbel .
L’utilisation de ces ressources numériques permet aux apprenants la possibilité de s’auto-évaluer et de s’entrainer de manière autonome, ce qui favorise par conséquent, une progression individualisée.
L’intégration de l’intélligence artificielle (IA) constitue, par ailleurs, une autre voie prometteuse. Les outils de l’IA, tels que les assistants vocaux et les chatbot sont capables de stimuler les interactions en français, en fournissant aux apprenants des retours immédiats accompagnées de suggestions précises d’amélioration. - Ludifier l’apprentissage : la ludification représente une stratégie qui facilite l’acquisition de connaissances, stimule la motivation, l’engagement et la productivité des apprenants et favorise l’apprentissage en le rendant plus interactif et ludique.
L’enseignant peut recourir à des jeux pédagogiques, tels que les virelangues, le karaoké, les jeux de rôles, aux applications de gamification comme …ou aux plateformes de création des jeux interactifs telles que Kahoot , Quizizz , Wordwall ou Flippity pour favoriser une pratique contextualisée et motivante de la prononciation. (Khelef et Khelef, 2024)
- Sensibiliser et former les enseignants : compte tenu du rôle primordial que joue les enseignants dans la mise en œuvre de ces remédiations, il est impératif d’organiser des formations continues sous forme d’ateliers afin de renforcer leurs capacités en phonétique et de les doter de compétences avancées en correction phonétique et de stratégies d’enseignement efficaces. Il appartient aux institutions de les encourager à l’utilisation de supports numériques, du multimédia et des plateformes interactives.
En somme, il est à noter que, malgré son importance, les recherches qui s’intéressent à la didactique de la phonétique et de la prononciation restent limitées dans le contexte algérien. Il serait donc bénéfique de mener des études plus approfondies dans ce domaine, notamment pour mieux comprendre les interférences linguistiques propres aux apprenants algériens et de développer des approches pédagogiques adaptées aux besoins des enseignants et des apprenants.
Références
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Benazouz, N., & Zerari, S. (2021). La dramaturgie pour la correction phonétique en classe de FLE : Cas des étudiants universitaires du sud algérien. Revue
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Çavdar, E. (2024). Analyse des erreurs de prononciation des étudiants du département de Français Langue Étrangère d’un point de vue phonёtique. RumelDE Di ve Edebyat Ara ^ tirmalan Dergisi, (38) , 1368–1386.
Cheddad, B. (2011). Contribution de la phonétique à l’enseignement/apprentissage du français dans le cycle primaire. Synergies Algérie, (14) , 145–150.
Cuq, J.-P. (2003). Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde. Clé International.
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Dufeu, B. (2008). L’importance de la prononciation dans l’apprentissage d’une langue étrangère.
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Kheloui, N. (2015). Apprentissage de l’oral en contexte plurilingue : Problèmes liés à l’acquisition de la prononciation. Revue des Pratiques Langagières
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